Essayer un ou plusieurs mors ?

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Durant une séance, quel que soit son type, avec un pro ou solo, il y a un apport important d’informations. Pour le cavalier et pour le cheval. Parfois ce sont de vieilles croyances qui se trouvent bousculées. Des informations qui étaient inconnues, des réponses du cheval surprenantes… La masse d’informations à piocher, comprendre, trier et intégrer est parfois considérable. Essayer des embouchures est un exercice en soi et la gestion des informations qui en découlent est limitée par des aspects cognitifs chez le cheval et chez l’humain.

En bref !

Il est préférable d’essayer un nouveau mors après un bon échauffement. Le cheval est ainsi physiquement et mentalement disponible pour l’exercice et pour découvrir les nouveautés que cela implique. Une fois cette phase préparatoire passée, il ne faut pas essayer trop de mors en une séance, ni de façon trop rapprochée. Une séance de « bit fitting » ou un essayage de votre côté ne devrait pas exéder 1h monté. De même, 5 mors essayés maximum constitue une limite d’informations intelligibles. Au-delà, il est quasiment impossible de se rappeler ce qui a fonctionné ou non et quels sont les paramètres à favoriser. L’acceptation du cheval au delà de ces deux limites n’est également plus claire entre réelle acceptation ou résignation. En somme, privilégier peu d’outils différents et une séance courte, après un bon échauffement !

Comment mener ses essais seul(e)

Parfois, on est solo pour essayer du matériel. Bien qu’il soit plus aisé (et plus économique) de faire appel à un conseiller ou à un bit fitter, il y a des fois ou on ne peut/veut pas être accompagné. Et dans ces moments là, il y a quelques astuces à connaître.

💡Astuce 1 : s’échauffer !

Essayer le nouvel outil après l’échauffement. Le but du jeu est que votre cheval soit « chaud » musculairement et mentalement prêt au travail. L’échauffement peut se faire avec votre matériel habituel monté et/ou à la longe : le but final est le même. Après l’échauffement, vous pourrez mettre pied à terre, installer le nouvel outil, le régler puis (re)monter à cheval.

Mettre pied à terre à chaque changement d’outil est également un conseil plus important qu’il n’y paraît. Monter, changer, remonter installe une « routine » et fait office de « reset » pour votre cheval. Il saura ainsi qu’à chaque fois que vous descendez sur cette séance d’essai, il pourra potentiellement découvrir quelque chose de nouveau. Et y être d’autant plus attentif, permettant de limiter l’effet « kiss cool ».

À propos…Faut-il longer en mors ?

Agir à distance sur le mors en amplifie les actions, y compris les mauvaises. Le mors est un outil relativement technique et les infos ainsi « augmentées » des effets à distance perdent en qualité, en confort et en sens (= stimuli qui ne veulent « rien dire »). Utiliser un mors pour longer ne présente donc pas plus d’avantages que de risques.

L’idéal est d’utiliser des outils spécifiquement faits pour ça, comme le caveçon. Ce dernier est étudié pour être stable et répartir ces forces créées par la longe sur la totalité de la tête. Il vous faut le choisir semi-rigide à rigide et en cuir de préférence. Problème : un bon caveçon, c’est rare et lorsque l’on a trouvé, ça peut être cher et donc pas adapté si on longe occasionnellement ou quelques minutes avant de monter par exemple.

Une autre alternative est le side pull. Autre alternative encore, le licol plat, ajusté plus près que pour son usage habituel. Enfin et si vraiment, pas le choix, vous devez longer en mors, utilisez une alliance au plus près du menton qui tienne les deux anneaux ensembles. C’est pas fou pour le dégagement de la langue mais si vous longez comme ça un bref instant avant de monter par exemple, ça limitera un peu les risques. Enfin, vous pouvez aussi accrocher la longe sous votre muserolle, directement ou en glissant un anneau par exemple.

Dans tous les cas, n’accrochez jamais la longe sur l’anneau intérieur du mors seul !

💡Astuce 2 : lâcher les rênes

Le second conseil une fois à cheval, c’est de laisser d’abord votre cheval marcher rênes longues, dans un pas actif. C’est une étape clé dans vos essais, qu’il est recommandé de ne pas négliger. Ceci permet au cheval de découvrir et commencer à explorer ses possibilités sans contraintes. Concentrez-vous sur vos sensations, observez comment votre cheval se déplace. Et surtout, évitez de focaliser votre attention sur la tête de votre cheval ! Concentrez-vous sur votre tracé, position, sensations, respiration…ça ne doit pas être perçu comme quelque chose de trop important dans votre esprit au risque de créer des tensions. Une fois tout le monde suffisamment à l’aise, vous pourrez remonter sur vos rênes.

💡Astuce 3 : petit-à-petit

Faites simple ! Quand on change d’outil, on change plein de paramètres qui demandent des adaptations : elles sont demandeuses en énergie et en attention. Privilégiez donc des exercices simples durant vos essais pour ne pas complexifier inutilement les choses. Changements de main, changements d’allures, petite croix, petite épaule en avant…Allez surtout là où vous êtes certain(e) d’être déjà à l’aise.

Bonus : si votre cheval est à l’aise et réussi les exercices demandés, vous entrez dans un système de gratification créant des associations positives : « nouvel outil = compréhension = succès ».

☝️Nota : on respire et on espace

Espacez au maximum les changements de matériel et n’en essayez pas trop au sein d’une même séance. 3 ou 4 outils différents maximum ; 1 seul au mieux. Limitez la séance à 1h maximum, échauffement compris au mieux. Tous les détail sont plus loin dans cette rubrique.

Pédagogie !

Pour bien saisir les mécanismes cognitifs en jeu, nous allons nous intéresser à un jeu télévisé : le Burger Quizz. Ce jeu, crée par Les Nuls dans les années 90, contient une épreuve appelée le Burger de la Mort. Et si vous ne voyez pas immédiatement le rapport, ça va venir.

Le Burger de la Mort est une épreuve du Burger Quiz, jeu créé par Les Nuls dans les années 90. Vous ne voyez pas le rapport avec une séance d’ergonomie équestre et pourtant, ça va venir.

Cette épreuve du jeu consiste à retenir 10 questions posées d’affilée et de n’y répondre qu’à la fin. C’est un exercice de mémorisation vraiment très difficile. D’ailleurs, peu de gens ont réussi à gagner le Burger de la Mort et répondre juste et dans l’ordre aux 10 questions.

Voici un exemple de questions posées dans le Burger de la Mort. Rien de bien compliqué…et pourtant

Tous les candidats bloquent toujours vers la quatrième ou la cinquième question. À la quatrième ils sont déjà en peine, la cinquième demande un effort de mémoire considérable et ensuite c’est le trou total…Les questions sont pourtant très peu complexes et entraînent des réponses d’un seul mot ou une phrase très courte. Et pourtant les joueurs sont perdus.

Comment peut-on alors décemment imaginer qu’au bout du 10e mors tout soit toujours clair ? Le cavalier ne sait plus distinguer toutes les subtilités entre chaque essai. Le cheval entre dans un état de résignation où il ne peut pas marquer ses préférences. Et pour les deux, la saturation est totale.

Les essais c’est fatiguant

Une séance de conseil en ergonomie ou des essais en solo est un exercice difficile et fatiguant. Si cet aspect est un peu moins impactant pour le cavalier selon son niveau, il fait quand même vraiment réfléchir. Il est également très impactant pour le cheval. Ce dernier doit s’adapter sans cesse à de nouveaux paramètres, stimuli et adapter en permanence sa façon d’y répondre. Bref, tout le monde cogite !

Pour chaque outil et pour chaque changement de paramètres, il y a toujours des ajustements de la part du cavalier et du cheval. Et il faut chaque fois pouvoir répondre aux questions :

  • Pourquoi essayer cette embouchure ?
  • Quel aspect de l’outil est intéressant ?
  • Est-ce qu’il faudrait en essayer une autre ?
  • Est-ce que cette solution semble bonne en l’état actuel des choses ?
  • Pourquoi votre cheval était moins bien avec l’embouchure précédente et mieux avec celle-ci ?

Répondre à ces questions est le travail de l’ergonome (c’est pour ça que c’est plus simple de se faire accompagner !). Mais c’est aussi la vision à garder lorsque l’on décide d’essayer des choses seul(e)s. C’est la pertinence de chaque essai qui est importante. Et votre compréhension de chacune d’elle.

La quantité est un problème

Le cerveau est quand même super bien fait et nous permet de retenir une quantité assez incroyable d’informations. Cependant, il fait aussi un travail de tri et de priorisation de certaines informations au détriment d’autres. Ce tri se fait inconsciemment et est influencé par les différents biais cognitifs1 que nous y appliquons également inconsciemment.

Ce qui fait que ce que vous retenez n’est pas forcément le plus utile mais le plus « rassurant » pour vous. Surtout que ces informations se trouvent dans un référentiel totalement nouveau.

Voici le codex des biais cognitifs – Design hacks co

Il faut donc pour que les essais soient les plus optimisés possible, avoir un regard neutre, un plan d’essai clair et des objectifs tout aussi clairement formulés. Cela peut être tout simplement de trouver quelque chose de plus confortable. Dans tous les cas il faut pouvoir le sentir et s’en tenir à une stratégie.

Une bonne détente -> 4 à 5 mors -> 1h max à cheval

Ces chiffres ne sortent pas de nulle part, pour enquiquiner les gens, pros ou amateurs. Ils prennent en compte la cognition et la physiologie du cheval et du cavalier. Personne, cheval ou humain, ne peut rester 100% focus, enchaîner 1h d’activité physique sans fatigue, enregistrer plus d’une certaine quantité d’informations. Et encore ! Comme dit au dessus, les plus confortables.

La durée d’une session de travail montée d’intensité moyenne à importante varie en fonction de différents facteurs. L’âge, la condition physique et la santé générale en sont les principaux. Toutefois, dans l’optique de respecter l’intégrité du cheval, elle ne devrait pas exéder 45min à 1h, pour un cheval adulte, en bonne santé et en bonne condition physique.

Niveau cognition, le cerveau traite les informations via un réseau de processus cognitifs, notamment la mémoire de travail, à court terme et à long terme. La mémoire de travail a une capacité limitée d’environ 7 à plus ou moins 2 éléments. La mémoire à court terme peut contenir 3 à 5 éléments environ. Plusieurs facteurs influencent en outre la manière dont le cerveau traite l’information. Il opère un tri face à une grande quantité d’informations et priorise ce qui est connu, conforte nos biais ou semble le plus important. Et pas forcément ce qui l’est réellement.

  1. https://cortecs.org/secondaire/tri-de-linformation-et-enseignement-de-lesprit-critique-une-carte-pour-sy-retrouver/
    https://scienceetpsychologie.wordpress.com/2016/10/17/lantiseche-des-biais-cognitifs/ ↩︎