Intéressons-nous dans cette section au contact en tant qu’outil de communication. Qu’entend-on par communication ? Comment communiquer par le contact ? Comment le cheval sait ce que nous voulons ? Peut-il nous répondre ? Que fait le mors sous l’action des rênes ?
Tour d’horizon.
Le contact
L’équitation c’est une combinaison complexe et subtile de nombreuses choses, un savant équilibre que l’on passe une vie à rechercher. Mais ce thème là, le contact, c’est une aide assez singulière. De par sa nature, de son canal de communication, mais également de ces outils3.
Ou comment établir une codification riche et claire entre une main humaine… Et une bouche, un nez, une encolure d’une autre espèce. Et tout ça, grâce à l’application d’actions somme toute assez binaires : pression & absence de pression.
Incroyable comme moyen de communiquer quand on y pense, non ?
Le contact est une aide à la fois bien connue des cavaliers et peu simple à appréhender et travailler. Dédié à indiquer au cheval des intentions de direction et de rythme, le contact est constitué de différents stimuli physiques. C’est-à-dire d’éléments tactiles capables de déclencher une réponse, une sensation physique qui permettent d’établir une codification.
Quels sont les stimuli du contact ?
Il s’agit de l’application d’une pression, via les rênes, transmise par l’outil en bout de celles-ci. Cela peut être une embouchure, en bouche ; une ennasure, sur le nez ; une cordelette, sur l’encolure… Et du retrait de cette même pression et de l’absence de celle-ci.
Pour communiquer, cet ensemble constitue un code, dont le fonctionnement n’est finalement pas très différent du reste des autres aides. Combinées ensembles, les aides permettent au cavalier de communiquer ses intentions. Mais le dialogue n’est pas unilatéral !
En effet, par son comportement, sa locomotion et son fonctionnement global, le cheval sera en mesure de répondre. Et refléter la justesse (ou non) de ses demandes et la clarté de ses intentions.
Si il est donc important d’apprendre à utiliser ses mains, il est tout aussi important d’apprendre à recevoir les signes d’une mauvaise façon de communiquer et s’ajuster. Dans la plupart des cas, les réactions non désirées du cheval proviennent…du cavalier ou de la cavalière !
Codification du contact et réponse
Qui dit code et communication non verbale, dit souvent avec les animaux conditionnement. C’est de cela qu’il s’agit lorsque l’on parle de débourrage. C’est également à ce moment là que le contact commence à vouloir dire quelque chose pour le cheval.
Il est important de noter que les réponses du cheval aux stimuli appliqués via un outil du contact quel qu’il soit est directement dépendant de la façon dont le cheval a appris et compris la codification et à priori non corrélé à l’outil en lui même.
Ainsi, les notions de mors par exemple qui seraient « abaisseurs » ou « releveurs » n’ont que peu de sens. Les forces en jeu ne sont pas de la même nature et magnitude. La modification de la posture via le mors seul, sans enrênements, ne peut ainsi se faire qu’avec une grande quantité de forces. Ou par une modification volontaire d’attitude de la part du cheval.
La première est une erreur d’équitation flagrante, la seconde dépend de l’origine de la modification de l’attitude. Ces éléments de conditionnement et de réponse sont abordés plus en détail dans le chapitre dédié.
Le contact, en usage
Parler du contact isolement, sans prendre en compte le reste des aides serait une erreur en soi.
En effet, le contact est loin de fonctionner seul et l’indépendance (=capacité à mobiliser une seule aide ou une seule partie de l’aide, par exemple une seule jambe) des aides est un travail de tous les instants pour le cavalier, quel que soit son niveau. Cette erreur consistant à parler du contact seul, sans l’inclure aux autres aides est dû à la fois au conditionnement à nouveau (= quel code le cheval a appris?), mais également à notre propre motricité humaine. En effet, l’indépendance des aides est un idéal difficile à atteindre sans un travail sportif annexe et complémentaire à l’équitation, notamment sur sa latéralité.
C’est pourquoi le contact ne peut s’améliorer seul !
Aussi étrange que cela puisse paraître, le secret d’une bonne main réside dans l’assiette du cavalier. Il faudra déployer tous les efforts du monde pour un succès très modeste en voulant stabiliser main/bras/épaules « à la source ».
C’est pour cette raison que les accessoires de briderie comme les rênes à poignées ou à boudins ou les dispositifs externes de stabilisation du cavalier (harnais, sangle, étrivière autour de l’encolure ou même encore la bonne vieille cravache derrière les coudes) échouent régulièrement à améliorer la situation, voire provoquent des tensions musculaires inutiles et parfaitement évitables chez cheval et cavalier.
En revanche, un cavalier bien assis, stable dans son assiette et avec une position de bassin correspondant à ses préférences motrices aura toutes les chance d’adopter et développer une main stable et précise.
Le comportement du mors
Nous avons vu jusqu’ici la codification liée au contact : pression et absence de pression. Mais que ce passe t-il une fois que les rênes sont entrées en action ? Au bout de ces dernières, il y a le mors (ou l’ennasure) et son comportement mécanique va être influencé par plusieurs éléments.
Phase 1 : rotation
Tout commence par une rotation. Sous l’action des rênes et en raison de la distance entre axe de rotation des canons et points d’application des forces4, le mors va alors effectuer une rotation autour de son axe. L’angle qu’il forme avec les structures buccales a changé par rapport au « repos » : c’est l’angle de travail.
La ligne de la langue (en bleu) a été tracée à partir de la ligne de la face (en noir) en tenant compte d’une correction anatomique5 de 10°. L’axe de l’alésage des anneaux (ici baucher) est représenté par la ligne verte. L’angle initial est mesuré sans tension sur les rênes et est de 170°.
L’angle de travail du mors est mesuré sous tension des rênes (produisant une rotation due à l’effet de couple vu plus haut). Ici, le mors tourne dans le sens trigonométrique, montrant un angle de travail de 142°.
En supperposant plusieurs systèmes coordonnés (verticale terrestre, repère local de la bouche, repère de l’orientation de la tête du cheval…). Et en identifiant différentes structures sur le mors (axes des anneaux, des canons, ligne d’intérêt)6… Il est possible d’estimer un certain nombre de répartition des forces, graphiquement ou analytiquement.
Nous n’entrerons pas plus dans les détails ici, mais le modèle le plus simple (problème statique plan) reste celui-ci.7
Phase 2 : translation
Le mors tourne sur lui-même, mais pas indéfiniment8. Il atteint en effet un point d’équilibre des forces, qui n’entraîne plus de rotation. C’est à la fin de cette rotation que le mors va translater sous l’effet des rênes. En effet, l’action de celles-ci au delà de l’équilibre des moments est aussi un déséquilibre des forces9. La translation n’est pas non plus « infinie » : une fois au contact des lèvres et lorsque force des rênes = force de réaction10 des lèvres, l’équilibre des forces est de nouveau atteint.
Ce comportement, très facile à modéliser avec des anneaux simples, peut devenir plus complexe. En changeant le nombre de points d’application ou en déviant les lignes d’actions par exemple, les répartitions des forces peuvent changer. Communiquer, c’est à la fois simple et compliqué !
- Le conditionnement désigne ici l’ensemble des moyens et techniques comportementales ↩︎
- Par exemple, sur le nez avec une ennasure, sur l’encolure avec une cordelette, dans la bouche avec un mors… ↩︎
- Il existe pléthore d’outils permettant « d’établir le contact » en équitation. Parmis eux, les mors sont les plus couramment utilisés. ↩︎
- Les rênes appliquent une force sur le mors, mais elles ne sont pas les seules ! Les montants de mors exercent aussi une force (faible, dite de « pré-tension ») ↩︎
- Cette correction correspond à l’angle moyen formé par l’os maxillaire ↩︎
- Une bonne ressource (en anglais) sur ce sujet : https://www.youtube.com/watch?v=SdMwmMrTWug ↩︎
- Plus d’infos ici : https://nsbits.com/article/the-turtle-snaffle-family ↩︎
- Attention, certains mors basculent moins que d’autres : cela dépend de la forme des canons et de l’implantation des anneaux/branches par rapport à ceux-ci ↩︎
- https://fr.wikipedia.org/wiki/%C3%89quilibre_statique_(m%C3%A9canique) ↩︎
- Réaction normale des forces : infos ici ↩︎