Enrênements

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Dans les corollaires de la briderie, il y a des outils bien connus des cavaliers : les enrênements. Ajoutés à une base matérielle, ils fonctionnent généralement en ajoutant des limites physiques (spatiales) en divers endroits du corps du cheval. Leur usage et leurs réglages doivent être questionnés et réfléchis avec sérieux. Un usage hasardeux peut avoir des effets délétères réels et tout aussi sérieux sur le physique et/ou le psychisme de nos amis à crinière… Cette partie se veut être une “checklist” pratique pour se poser les bonnes questions avant tout usage.

En bref !

Véritables aides à la préparation physique, il existe pléthore d’enrênements. Leur usage contient plus d’exceptions et de précautions que de règles applicables à tous. Globalement, les enrênnements ne devraient être utilisés que par des professionnels de la préparation physique et des cavaliers ayant une connaissance approfondie de ce sujet. L’usage d’un enrênement ne doit pas compenser un défaut du cavalier1, rester en place indéfininiment ou encore pallier une faiblesse dans l’entraînement régulier d’un cheval.

Ils peuvent être utilisés pour orienter la posture ou fournir une résistance musculaire plus importante, sur un temps très court et avec un objectif d’apprentissage clair et maîtrisé. Une fois l’objectif atteint, l’enrênement doit être retiré. Il faut se poser des questions si l’usage de ce dernier se prolonge dans le temps.

Comme les enrênements connectés au mors et/ou bridon changement les comportements mécaniques de ces derniers, il faut observer deux précautions supplémentaires importantes. La première est de s’assurer d’utiliser un enrênement sur du matériel préalablement adapté au cheval. la seconde est d’effectuer les réglages avec minutie pour ne pas créer d’importants effets de leviers et de poulies.

Les questions à se poser

1) Pourquoi ?

Cela semble évident mais la première question à se poser est bien celle-ci. Qu’est-ce qui motive l’usage d’un enrênement ? En ayant un effet sur la posture, sur l’orientation du corps et des mouvements et sur l’action du matériel, l’enrênement peut être vu comme un outil de préparation physique à part entière. Tout comme pour la préparation physique de l’athlète humain, les aides à l’entraînement trouvent leur intérêt dans la ponctualité de leur usage, l’absence de contrainte dans le mouvement et – évident mais à rappeler – l’absence du moindre risque de douleur ou de traumatisme physique. 

Ainsi, une véritable réflexion doit naître – comme du kiné vers son patient – sur l’intérêt réel pour son cheval de l’usage d’un enrênement dans son entraînement.

Quel est l’objectif ? Où est le but ? Quel chemin prévoir jusqu’au but ? 

Orienter la posture

Un enrênement pose généralement une limite physique ou une information supplémentaire à celles déjà utilisées à cheval ou à la longe. Si l’enrênement utilisé modifie l’orientation de différents segments articulaires/musculaires, il doit le faire sans aucune contrainte pour le mouvement. Le but est de donner un cadre dans lequel évoluer, mais pas de contraindre ou fermer ce cadre. Dans un corps pourvu de muscles, os, ligaments, fascias, nerfs & co…contraindre un mouvement c’est risquer des résistances, des limitations, des compensations.

Orienter, encadrer est donc possible, souhaitable dans certains cas (rééducation, par exemple) mais la précaution des réglages est à prendre 20 fois s’il le faut. Pensez bien qu’un bon éducateur est un facilitateur du mouvement !

Ici une martingale, réglée de façon à ne pas contraindre le mouvement naturel du cheval, mais à entrer « en action » si le cheval dépasse un cadre

Fournir une résistance

Quand on parle de musculation2, on pense à la charge musculaire. Certains équipements permettent un travail plus intense d’un muscle ou d’un groupe musculaire afin d’en augmenter la force ou l’explosivité. D’autres peuvent aussi encourager un travail d’équilibre et de proprioception. Ces enrênements ou plutôt « aides à l’entraînement »3 mobilisent et stimulent plutôt les postérieurs et l’arrière-main.

Il est bon de rappeler qu’une force essentielle chez le cheval et clé de voûte de toute sa posture (et de l’équitation en général) est l’impulsion ! Grâce à l’activité des postérieurs et l’abaissement des hanches ; le cheval peut se gainer, grâce à une sangle abdominale tonique et adopte cette attitude “ronde” jusqu’au bout du nez ! Attention en revanche à la gourmandise : trop de stimulation peut avoir l’effet inverse de celui recherché. En effet, une stimulation qui ne « cède » jamais a peu de chance d’être comprise du cheval. Il peut également s’y habituer et trouver un moyen de s’y soustraire, si l’inconfort est trop important.

Les mauvaises raisons

Il y a certaines idées de base qu’il faut écarter d’emblée de la réflexion qui amène à utiliser ou pas un enrênement. Par exemple, un enrênement ne peut pas (et ne doit pas !) être utilisé pour compenser un défaut du cavalier.

L’enrênement n’est pas non plus une « orthèse » ou une béquille destiné à rester en place sur une longue durée.

Un enrênement ne doit pas non plus être utilisé pour pallier une faiblesse dans l’entraînement régulier d’un cheval.

L’idée est de considérer ces outils comme des aides supplémentaires, comme un “plus”, que l’on ajoute à une bonne base déjà existante.

2) Comment ?

Avec un enrênement utilisé monté, il est préférable d’utiliser un enrênement dont le cavalier contrôle l’action. Pourquoi ? Car cela permet d’éviter un cadre trop rigide (le mouvement est opposé à la rigidité !) dans les actions de l’enrênement et d’en moduler les actions. Cela permet aussi de “relâcher” l’action et d’en récompenser la réponse adéquate donnée par le cheval ! Si l’enrênement est toujours en train d’agir, comment le cheval peut-il interpréter ce qui est demandé par le cavalier ?

Les réglages doivent être millimétrés : de grandes contraintes mécaniques peuvent à terme (moyen et long) entraîner des blessures physiques mais aussi psychologiques sur votre cheval… Globalement, les enrênnements ne devraient être utilisés que par des professionnels de la préparation physique et des cavaliers ayant une connaissance approfondie de ce sujet. Les enrênements ne devraient en tout cas jamais être mis entre les mains de cavaliers débutants ou n’ayant pas de connaissances suffisantes.

3) Combien de temps ?

Le maître mot ici est : peu ! Garder à l’esprit qu’un enrênement est une aide ponctuelle évitera bien des dérives et bien des problèmes à qui souhaite en utiliser. Tout le secret est dans la ponctualité : dès que le but est atteint, il ne sert à rien de continuer sous peine de voir des effets contraires se produire. Toutefois, certaines situations peuvent appeler au maintien d’une aide supplémentaire passant par les enrênements. Cela peut être le cas des chevaux d’école ayant sur le dos des cavaliers n’étant pas encore en capacité de chercher la rondeur et dont le travail de préparation en dehors des cours est insuffisant4 (en ce cas, l’enrênement est fixe). Ou encore de chevaux à des niveaux athlétiques très élevés, où l’enrênement devient une aide supplémentaire dans la gestion de l’attitude. Cependant, ces cas sont plutôt rares. Dans la grande majorité des cas, un enrênement est à utiliser de manière ponctuelle.

L’erreur de “l’enrênement permanent”

Au niveau athlétique qu’est généralement celui de la majorité des cavaliers, la mise en place et le maintien d’un corollaire n’a pas vraiment de sens. Il faut également se poser des questions si l’usage de ce dernier se prolonge dans le temps.

Si le but n’a pas été atteint, pourquoi ?

Est-ce vraiment la bonne méthode ?

Et si le but est dépassé, pourquoi l’enrênement reste-t-il en place ?

Petites variations mais grands effets

S’il existe plus de précautions que de recommandations d’usage au niveau des enrênements, c’est que leur utilisation est délicate. Il est effectivement très facile de mal faire en présence d’enrênements. Le mauvais réglage n’est jamais loin, le mauvais usage non plus. Et lorsque la durée d’utilisation se prolonge, le risque d’obtenir l’effet inverse à celui recherché croît de façon exponentielle.

En effet, une fois que la “leçon” est donnée, si la stimulation ne disparaît pas, le cheval va continuer à chercher la réponse. En l’absence de relâchement, il peut entrer en réaction d’opposition, de fuite ou se résigner psychologiquement. C’est un mal invisible, mais qui fait beaucoup de dégâts. En se mettant en opposition aux actions de l’enrênement, la posture se dégrade et l’activité musculaire également.

Effets sur l’embouchure et le bridon

Les enrênements attachés au mors et/ou au bridon en changent le comportement mécanique, en réduisant certains angles de fonctionnement, en ajoutant des effets de leviers, de poulies… Et ces modificateurs vont également influencer la répartition des forces en provenance des rênes, généralement avec des facteurs multiplicateurs.

Les rênes allemandes, par exemple, fonctionnent comme un système de poulie. L’angle formé par les rênes et les mains du cavalier influence la force appliquée sur la bouche du cheval. Si le cavalier abaisse ses mains, cela réduit l’angle, augmentant ainsi la force appliquée sur la langue du cheval. La position de la tête du cheval a également une influence sur ces angles.

Exemple avec les rênes allemandes

Prenons un exemple concret, horriblement illustré ci-dessous :

Tout ce qu’il ne faut pas faire avec des rênes allemandes. Elles sont trop tendues, restreignent le mouvement du cheval, le placent dans une attitude délétère pour son fonctionnement et son développement musculaire et sont utilisées en adjonction sur un système complexe. La bouche du cheval exprime par ailleurs une forte tension et les muscles de l’encolure sont sur-contractés. La situation illustrée est terrible pour le cheval.

Avec des rênes allemandes, une proportion de forces importante est dirigée vers la langue. Ceci est dû à l’effet crée entre l’encastrement à la sangle et le glissement de la rêne allemande dans l’anneau du mors, qui est tout simplement une poulie5.

Ici, la tête du cheval est en arrière de la verticale et les mains du cavalier sont légèrement basses. Admettons pour l’exemple que le cavalier applique une tension de 20 N. Ce qui fait environ 2kg (mais il y a potentiellement bien plus sur cette photo) sur les rênes. Avec l’effet multiplicateur de la poulie et en considérant la répartition des forces entre lèvres et langue du mors6, cela peut entraîner une pression supplémentaire d’environ 30 N sur la nuque. Soit près de 3kg !

Il est donc crucial, à la fois d’utiliser un enrênement avec du matériel déjà parfaitement adapté et réglé. Et de bien s’assurer qu’il n’y ait pas de contraintes dans le mouvement. Ici l’exemple est un peu « extrême », mais l’effet de poulie est présent également à des tensions bien plus basses et des angles bien plus ouverts ! En fait, dès que l’enrênement entre en tension/résistance avec le reste de l’équipement… La prudence est donc de mise !

  1. En dehors d’exeptions concernant les cavalières et cavaliers handicapé(e)s et dont le matériel doit être adapté à un schéma moteur différent ↩︎
  2. « La musculation est une activité physique visant au développement des muscles squelettiques, pratiquée dans le but d’acquérir plus de force, d’endurance ou de volume musculaire » Wikipédia ↩︎
  3. Le nom d’enrênnement est un peu déplacé, car ils ne sont généralement pas connectés au bridon ou aux rênes ↩︎
  4. Cela n’est pas une excellente raison, mais le paysage financier des clubs et centres équestres est un autre sujet ! ↩︎
  5. Une ressource facile sur les poulies sur AlloProf : https://www.alloprof.qc.ca/fr/eleves/bv/sciences/la-poulie-s1433 ↩︎
  6. Ce sujet est trop long à développer pour le Grand guide des embouchures, mais vous pouvez retrouver quelques éléments à ce sujet dans le premier chapitre du guide ↩︎