Mors double, droit, simple ? Cintrage ?

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Il existe 2 différences majeures entre les mors droits, ceux comprenant une seule brisure et les mors double brisure. Ces différences se situent d’une part au niveau de la dissociation latérale1. D’autre part au niveau de la mobilité et donc, la rapidité des stimuli.

Pour tout le reste, on peut trouver des choses très similaires, voire avoir des designs strictement identiques, indépendamment du nombre de brisure(s). 

Alors, on serait tenté de se dire qu’il vaut mieux un mors rapide, bien dissocié et beaucoup de stimuli n’est-ce-pas ? Et bien ça n’est pas toujours le cas !  C’est une question de préférences, de cheval, mais aussi de clarté et de « sécurité ». Si votre contact n’est pas très sûr par exemple, la mobilité et la rapidité du mors risquent plutôt desservir vos intentions ! Éclairages.

Article mis à jour en octobre 2024

En bref !

Un mors n’est pas intrinsèquement « mieux » qu’un autre parce qu’il a une, deux ou pas de brisure(s). Le choix d’un mors doit se faire en regard de l’ensemble de ses paramètres et le nombre de brisure n’en couvre qu’un petit nombre.

Les principaux comportements de l’embouchure sous la tension des rênes reliés au nombre de brisure(s) sont la mobilité du mors et la dissociation latérale. Pour un jeune cheval par exemple, moins l’embouchure fourni de stimuli/informations, plus il peut être facile à appréhender, aidant ainsi à faciliter le conditionnement du cheval autour du contact. Cette règle n’est bien sûr pas universelle, dans la mesure où les préférences individuelles et les schémas cognitifs et d’apprentissage varient d’un individu à l’autre.

Techniquement, les embouchures double brisure devraient être utilisées par des cavaliè(e)s dont l’assiette – et donc, la main, sont déjà suffisament stables. Plus un canon est brisé et plus les jonctions de brisures sont « libres », plus il va fournir d’informations. En augmentant le nombre de brisures, on augmente donc la dissociation latérale et la vitesse des stimuli : in fine, la technicité de l’outil. Encore une fois, c’est une règle générale, car certaines conceptions peuvent limiter la mobilité de l’embouchure (par exemple : brisures bloquées) et donc avoir un comportement différent des autres conceptions de sa catégorie.

Il est en tout cas très important de ne pas baser son choix uniquement sur le nombre de brisures. Le cintrage quant à lui doit être suffisant pour dégager un maximum de place à la langue.

Avant propos

Note importante

Vous ne verrez pas ici de raccourcis du type : « ce mors X est un abaisseur de la nuque et permet de fermer des chevaux trop ouverts ». Ou encore « Ce mors Y est super pour tel problème », etc… D’une part, ce genre assertions ne reposent sur rien de vérifiable, sont difficilement répétables d’un cheval à l’autre et ont contribué à l’émergence d’idées reçues aussi erronées que coriaces. D’autre part, ce serait oublier un principe fondamental en équitation : le conditionnement. Le contact, comme toute autre aide, résulte d’un apprentissage et d’une codification dont la perception et le sens peuvent varier d’un cheval à l’autre. Gardons à l’esprit que le mors reste un outil, simple vecteur d’une information.

La règle essentielle

Garder constamment en tête : dégager suffisamment de place pour la langue du cheval sous son mors.

Il faut savoir qu’en moyenne, l’espace entre les barres supérieures & inférieures est de 34 mm. En ajoutant à cela les muqueuses, le palais et son plexus plus ou moins bas, plus ou moins épais, etc… Toute la place à l’endroit du mors est déjà prise. Laisser de la place à la langue permet ainsi de ne pas l’écraser localement.

An anatomical study of the rostral part of the equine oral cavity with respect to position and size of a snaffle bitE. ENGELKE* AND H. GASSE, Department of Anatomy, School of Veterinary Medicine Hannover

De par son statut particulier, sa position et ses liaisons anatomiques… La langue est également une passerelle quasi-directe vers d’autres structures très éloignées dans le corps du cheval ! Ainsi, une contrainte dans son mouvement peut contrarier de façon réelle et sérieuse le fonctionnement des chaînes posturales qui y sont reliées. Que ce soit de façon directe ou non. Il faut donc toujours veiller à ce que les meilleures conditions soient réunies pour parvenir à ce but.

À quoi sert une brisure ?

Il y a très peu de données historiques concernant le passage du mors droit à la simple brisure. Il est donc difficile, historiquement, de dire pourquoi le simple brisure s’est développé. Toujours est-il que l’utilisation des deux a toujours été simultanée, bien que les occurrences soient différenciées selon les régions du monde.

Les mors double brisure, eux, ont clairement été inventée dans une période où la technicité commençait à devenir une vraie préoccupation d’équitation. Le Dr Bristol par exemple, indique dans son dépôt de brevet2 que c’est une embouchure destinée à être plus confortable compte-tenu de la bouche du cheval. Vous verrez dans la note de bas de page que l’on était pas tout à fait au point concernant la dite morphologie buccale des chevaux à l’époque.

Mobilité et dissociation latérale

Aujourd’hui, les brisures ne servent qu’à deux chose : la mobilité et la dissociation latérale.

La mobilité participe directement à la rapidité des stimulus produits par un design ou par un autre. Mais ceci n’est qu’une partie de l’équation. Il serait en effet tentant de dire que « plus il y a de brisures, plus il y a de mobilité, plus l’embouchure peut participer à produire des stimulus rapides ». Mais a t-on toujours intérêt à produire des stimuli nombreux et rapides ? Dans le cas d’une main pas très assurée, nous allons plutôt rechercher moins de mobilité. Donc, en fonction de la technicité que l’on recherche, c’est une donnée que l’on va pouvoir prendre en compte.

Quant à la dissociation latérale elle est relativement simple à comprendre. Une embouchure droite n’a absolument aucune dissociation latérale : agir sur la rêne gauche ou la rêne droite uniquement aura un impact mécanique sur l’ensemble de l’embouchure. Sur un simple brisure, un double ou un multi-brisure ; ces actions pourront être différenciées. Elles pourront l’être clairement, un peu, beaucoup, à la folie : tout dépend encore une fois de ce que l’on cherche.

Représentation schématique et moyennée des amplitudes des canons latéraux (gauche et droite) pour un mors droit (en haut à gauche en jaune), un mors simple brisure (en bas à gauche en orange) et un mors double brisure (à droite en rouge).

Vous verrez également plus loin dans ce chapitre pourquoi le nombre de brisures n’a, seul, que peu d’incidences – dans les conceptions d’aujourd’hui – sur le confort de l’embouchure.

Les types de brisure

Pour la petite anecdote, les « sans brisures », aussi dits « mors droits », sont presque aussi vieux que la domestication du cheval. La simple brisure date d’environ -900 à -750 av. JC (autant dire que c’est pas tout jeune !). Le Dr Bristol invente en 1907 un mors comportant 2 brisures. Quant au « losange » permettant la double brisure que nous connaissons aujourd’hui, il n’apparaît qu’en 1980 grâce aux travaux d’Ulrich Conrad.

Mors droits (sans brisure)

Pas de dissociation latérale. Les demandes faites via la rêne droite ou la gauche font bouger tout le mors. Il faut alors compléter sa demande par d’autres aides, mieux dissociées. Les mors droits sont donc intéressants avec un cheval bien à l’écoute et un cavalier bien équilibré et capable de compenser avec ses autres aides. D’apparence simple, les mors droits peuvent se révéler très techniques. Attention toutefois à leur épaisseur, souvent trop importante et à leur dégagement de langue, souvent insuffisant.

Mors simple brisure

Légère dissociation latérale. La rêne gauche est la rêne droite sont dissociées, mais le mors reste plutôt centré et a peu de mouvements latéraux. Permet généralement une lecture facile par le cheval des actions du contact. Traité plus en détail plus loin dans ce chapitre.

Mors double brisure

La dissociation latérale est très nettement marquée avec un mors double brisure. Les actions peuvent être différenciées unilatéralement de façon plus claire. L’embouche a également une plus grande liberté de mouvement, créant des stimuli nombreux et rapides. Les mors double brisure peuvent se révéler être particulièrement techniques, du fait de leur structure. La codification de la communication peut s’enrichir et/ou s’affiner et cette technicité demande en retour une bonne stabilité côté cavalièr(e) pour pouvoir être avantageuse.

Mors multi brisure

Peu utilisés, les mors multi-brisures créent une très grande quantité de stimuli en raison de leurs degrés de liberté plus important. Cette quantité de mouvements peut être complexe à codifier et rend ce type d’embouchure très peu claire.

Critères de choix

Le mors double brisure est-il le plus adapté ?

Depuis son apparition et sa démocratisation en équitation, les mors double brisure gagnent du terrain. Pour certain(e)s, il serait même à privilégier, très loin devant les autres types de brisure. La liberté de mouvements de l’embouchure permet en effet généralement plus de mobilité pour la langue en dessous du mors. Associé à des anneaux libres, sa mobilité croît encore, augmentant d’autant les possibilités de mouvement côté cheval.

Ces avantages évidents du mors double brisure ne sont néanmoins pas suffisant pour les placer de facto comme étant les plus préférables. En effet, cette grande mobilité, associée à de nombreux stimuli, peut être inconfortable pour certains chevaux. Les jeunes chevaux par exemple peuvent rapidement être submergés d’informations et se mettre en retrait de la main, s’agacer ou s’appuyer fortement pour « calmer » le jeu.

De la même manière, un cavalier dont l’équilibre manque d’assurance ou dont la main est peu fixe peut envoyer des dizaines de demandes parfaitement inutiles du fait de cette mobilité.

Si les mors double brisure sont de bons choix, ils doivent être évalués au regard de leur potentiel technique. Ce dernier peut ne pas convenir à certains cas de figure et desservir le contact.

Le mors droit est-il LE must pour les jeunes chevaux ?

Contrairement à une idée largement répandue, les mors droits sont techniques. Le fait est qu’ils sont relativement « muets » : pas de dissociation latérale, des déplacements impliquants le déplacement de l’ensemble de l’embouchure… Les mors droits sont relativement lents et donnent finalement peu d’infos localement.

De ce fait, nous pourrions être tenté(e)s de dire que effectivement, le jeune cheval étant dans une phase de développement et devant intégrer quantité d’informations petit-à-petit… Les mors droits sembleraient tout indiqués. Mais il y a plusieurs nuances à apporter.

Tout d’abord, les mors droits manquent souvent de place pour la langue. Des mors droits avec un passage suffisant pour la langue (et pas un passage de langue ridicule de 20 mm) ne sont pas du tout légion. Ensuite, les mors droits « spécial jeunes chevaux » sont souvent en caoutchouc ou polymère plastique. La souplesse du matériau peut ajouter de la latence aux actions du mors, le rendant donc encore plus « lent ». En plus d’être souvent trop épais pour la bouche du cheval.

Ces points de vigilance sont donc à considérer avec sérieux lorsque l’on parle de jeunes chevaux. Leur langue est aussi épaisse que celle d’un cheval adulte au moment du débourrage et certes, moins de stimuli est peut-être préférable, mais pas au détriment de la clarté. En outre, pour avoir une attitude efficace avec un mors droit, il faut que cheval et cavalier fonctionnent très bien avec le reste des aides. Aides dont la réponse n’est pas forcément pleinement acquise à l’introduction du contact.

En revanche, pour des chevaux « mûrs » dans le travail, les mors droits peuvent s’avérer être un choix technique intéressant et plein de challenges. À condition toujours bien sûr, d’avoir un mors dégageant suffisamment la langue, pas trop souple…

Le mors simple brisure pointe-t-il dans le palais ?

Si les mors simple brisure ont pu « pointer » dans le palais un jour, ça ne devrait – normalement – plus être le cas. Les techniques de production on évolué, les formes se sont adoucies et les jonctions savent aujourd’hui se faire plus discrètes que dans les années 70-80-90. Avec un matériel adapté + correctement ajusté et dans des conditions normales d’équitation : il est difficile, voire impossible, de faire apparaître une telle situation.

Un problème de représentation

Malheureusement, les mors simple brisure souffrent du manque de justesse et de pertinence des référentiels choisis pour parler des mors. Cette situation a contribué à diaboliser ces types de mors, alors qu’ils sont relativement intéressants.

Nous avons en effet tous et toutes déjà été face à des images/vidéos où le choix du référentiel est parfaitement inadapté. Il n’est donc pas rare de tomber sur des images comme celle ci-dessous : un mors « posé là », sans bridon, sans rênes. Parfois même sans cheval ! Et souvent sur une mandibule nue, d’un cheval sans langue (le pauvre).

Tout cela semble anodin, mais ces images déforment le propos, diabolisent l’outil, participent à l’incompréhension.

Remettons du contexte : à cheval il est quand-même rare de poser le mors tout seul dans la bouche. Il est tenu par les montants du mors, qui l’orientent et exercent une force sur lui (et font parti d’un autre système !). La paire de rênes est aussi importante. En agissant dessus, nous impactons le comportement du mors et changeons la magnitude et la direction des forces et leurs résultantes.

Pour finir, ce genre d’illustration oublie un élément hautement important : la langue ! Cette dernière est en effet loin d’être épaisse comme une semelle de chaussure…Elle prend quasi la totalité de la cavité buccale. N’oublions pas qu’elle est aussi dotée d’une force phénoménale. Sa forme et sa tonicité peuvent changer en une fraction de seconde, faisant changer par la même les forces exercées sur le mors.

Représenter ces systèmes est donc compliqué. MAIS, ce n’est pas une raison pour les représenter n’importe comment ! Soyez donc vigilants quand vous cherchez des infos et demandez-vous : est-ce que la représentation que j’ai en face de moi est fiable ? Ressemble t-elle à la réalité ? Paraît-elle logique ?

Attention à la symétrie !

Les mors simple brisure ont donc mauvaise réputation. Et ça c’est très dommage, car ils sont un très bon compromis entre dissociation latérale et rapidité. Ce compromis les rend généralement facile à appréhender et à comprendre.

Ils permettent la dissociation latérale des actions de main, tout en ayant un nombre limité de stimuli et en ne créant pas trop de mouvements localement en bouche. En outre, ils peuvent aider à agir de manière symétrique. En bref, ils sont particulièrement intéressants chez les cavaliers/chevaux asymétriques, les chevaux pas très en confiance sur la main, les jeunes en apprentissage et bien plus encore.

MAIS.

Énormément de mors simple brisure sur le marché sont…asymétriques.

Et ça c’est un vrai problème, puisque si l’embouchure n’est pas intrinsèquement symétrique, nous risquons de nous retrouver avec des problèmes de latéralité.

Soyez donc très attentifs lorsque vous achetez un mors simple brisure et n’hésitez pas à contrôler la symétrie. Ce contrôle se fera dans la mesure du possible avec des instruments. En effet, les 2 canons ne sont pas orientés dans le même sens : gare aux effets d’optique !

Le cintrage

En plus des caractéristiques précédentes, les canons de l’embouchure peuvent aussi être plus ou moins incurvés. Cette incurvation permet plus ou moins de dégagement pour la langue sous le mors. Le cintrage n’est pas dépendant du nombre de brisure. Nous pouvons trouver des mors double brisure peu ou très cintrés, des simples très ou peu cintrés, etc…

Globalement, un léger cintrage devrait être la norme sur tous les mors. Les cintrages plus prononcés voire très prononcés constituent quant à eux de vrai plus-values techniques. Permettant un mouvement caudal plus important de la langue, ils peuvent permettre une mobilité accrue des chaînes posturales antérieures, particulièrement intéressante chez les chevaux avancés dans le travail du dressage par exemple. 

Mors autobloquants

Le concept de mors autobloquant repose sur un mécanisme de protection intégré à la structure du mors, qui limite son action lorsque la pression des rênes devient trop forte. L’autobloquant consiste soit en une brisure travaillée de façon à limiter son mouvement par rapport à une autre (mors Myler par exemple), soit en un ajout de matière à l’arrière d’une brisure qui, en entrant au contact du canon d’à-côté, le bloque (mors Bombers par exemple). Il est à noté que dans ce dernier cas de figure, seuls les mors simple brisure peuvent fonctionner correctement.

En effet, le concept de l’autobloquant par protubérance fonctionne mal sur un mors double brisure. Son mécanisme d’autoblocage est inefficace avec la mobilité des deux canons et de l’olive centrale. Cette mobilité empêche un blocage uniforme, rendant l’action incohérente et créant des zones de pression localisées qui peuvent être inconfortables pour le cheval. Selon l’angle de traction des rênes, le blocage peut ne pas se déclencher correctement, ou au contraire, créer une rigidité soudaine, perturbant la progressivité de l’action. En somme, l’autobloquant de ce type perd en efficacité sur les mors à double brisure, car il ne gère pas bien la répartition des forces.

Mors simple brisure avec un autobloquant – Image Bombers Equestrian

Comment ça marche ?

Lorsque le cavalier applique une pression modérée et bien « dans l’axe » sur les rênes, le mors se comporte comme un mors classique. À ce stade, le mors suit les mouvements des rênes sans contrainte particulière.

Lorsque le mors dépasse un certain angle de fonctionnement sous la traction des rênes, il se « bloque ». Le mors ne peut plus se plier comme à son habitude. Cette absence de mouvement limite la pression excessive qui serait transmise directement à la bouche du cheval.

Cette particularité peut-être très utile pour certains couples, car elle permet de conserver la dissociation latérale tout en permettant d’avoir un « filet de sécurité » côté cheval. Les chevaux méfiants dans les actions unilatérales et/ou les cavaliers pas toujours très assurés dans leur contact peuvent y trouver un outil intéressant.

  1. La dissociation latérale est liée à la capacité à différencier clairement et sans ambiguité une action faite sur la rêne droite ou la rêne gauche ↩︎
  2. Il semble évident que l’anatomie de la bouche du cheval était fort peu connue à l’époque : File:Extract from Dr. Bristol patent.png – Wikipedia ↩︎